Les mensonges de Lion
Apple n'y va pas par quatre chemins ! Sur le site français, Lion est présenté comme "Un bond phénoménal pour le Mac". Plus le mensonge est gros, et plus il est censé passer facilement. Contrairement aux assertions d'Apple ("Figure 1") Lion représente en fait une régression phénoménale de Mac OS X pour le Mac. Ne parlons pas de Rosetta, qui aurait sans doute pu être aisément conservé, tant il satisfaisait les utilisateurs de longue date du Mac et permettait de faire tourner des applications anciennes. Mais le marketing d'Apple en a décidé autrement : il faut imposer le renouvellement et l'achat de nouvelles machines, et de logiciels sur l'AppStore !
J'ai été un moment séduit par la suppression à la vue des utilisateurs des dossiers Bibliothèque et Système, qui cache le moteur sous le capot. Mais ces dossiers doivent être facilement accessibles, et pour l'utilisateur lambda le menu <Aller<Aller au dossier est loin d'être évident, surtout quand il doit être décliné de la façon suivante : <Aller<Aller au dossier</Volumes/Travail/Users/userName/Library ... Ignorant jusqu'à l'existence même de ces dossiers (puisqu'il ne peut pas les voir), comment le débutant pourrait-il résoudre les problèmes qui se posent de plus en plus avec les applications, comme celle du lecteur zr4 de Zinio par exemple ?
Bref, en voulant simplifier, Lion est loin de faciliter les choses. D'ailleurs, de quelles simplifications s'agit-il ? Comme pour Rosetta, était-il raisonnable de supprimer Front Row ? C'est une dégradation pure et simple des facilités d'utilisation de Mac OS X sans autre justification que les caprices du prince ! Apple nous a malheureusement habitués depuis Léopard à ces caprices gratuits et le plus souvent idiots, qui ne prennent pas en compte les besoins de l'utilisateur : des surimpressions gênantes et injustifiées, la longueur démesurée et inutile du nom des fichiers d'image créés par une copie d'écran, le quadruplement des marges imposées autour des images d'Aperçu, l'aspect mortuaire du Dock et de beaucoup de fenêtres des applications, le fond désormais opaque de Dashboard, l'inutilité complète (et le vilain aspect) de Launchpad (le Dock n'était-il pas là déjà pour lancer les applications courantes ?).
La volonté de plier Mac OS X aux limites et aux contraintes de iBidules est, elle aussi, une stupidité phénoménale. Un ordinateur de bureau (fût-il portable) est autre chose qu'un iPhone ou un iPad : on en attend surtout la possibilité multitâche de passer instantanément d'une application à une autre ; dans mon travail quotidien, c'est ainsi que je fonctionne : des informations issues d'une applications sont transférées vers une autre, le plus souvent (mais pas toujours) à l'aide d'un copier-coller. Par exemple, je rédige ce texte sous TextMate, tout en surveillant le résultat sur la page correspondante de MAMP ; la visualisation est simultanée (Figure 2).
Fig. 2 : vision simultanée de l'éditeur et du résultat
Ni l'iPhone (ou l'iPod Touch), ni l'iPad, si séduisants soient-ils ne permettent d'en faire autant (et c'est normal, ce sont des outils différents, si tant est qu'on puisse parler d'outils). En voulant faire les deux, Lion se tire une balle dans le pied : l'affichage de l'image ci-dessus sous Aperçu (pour en modifier la taille) a demandé une éternité, au point que je me suis demandé si mon système était planté ! L'image est finalement arrivée, après de longues secondes ; avec l'enregistrement automatique des fichiers de Lion, impossible de conserver l'ancienne image (sauf à en faire une copie), et d'enregistrer sous un autre nom l'image modifiée (figure 3). La facilité proverbiale de création des fichiers en prend un sacré coup !
Fig. 3 : Maj-Cmd-S n'est pas disponible...
Le travail multitâche rend le plus souvent nuisible l'affichage d'une fenêtre en plein écran. Que la possibilité existe, pourquoi pas ; mais c'est sans intérêt dans la plupart des utilisations de Mac OS X (sauf l'affichage de photos). Un ordinateur n'est pas un joujou ou un instrument de distraction, c'est un outil de travail.
Et le travail sous Lion est loin d'être facilité ! Même l'interface multi-Touch n'a fait que compliquer les choses : selon l'outil d'interface dont vous disposez (trackpad incorporé ou séparé, souris Magic Mouse ou pas), les gestes différent, et sont loin d'être tous évidents. Certes, on s'y habitue, et on retrouve les comportements des iBidules. Je ne suis pas contre cette nouvelle interface, mais elle est finalement, quoi qu'en dise Apple plus complexe que celle de la souris traditionnelle, et à coup sûr, pas plus intuitive pour le débutant. D'ailleurs, Apple l'avoue : il faut apprendre "le nouveau langage des mains" (voyez la vidéo proposée).
John Siracusa a dit grand bien de la restitution de l'état du bureau et des documents lors d'un nouveau login. L'enregistrement automatique et permanent des documents, serait une bonne chose si Lion ne fonctionnait pas avec un système de fichiers (HFS +) complètement dépassé. Et c'est là que le bât blesse cruellement ! En refusant d'adopter ZFS, Apple a condamné Mac OS X à être définitivement à la traîne des autres systèmes d'exploitation (Windows ou Linux) et ses mensonges n'y changeront rien !
Lion fonctionne toujours avec un système de fichiers conçu quand la taille des disques durs était de l'ordre de 1 Go. Maintenant, elle se mesure en To (mille fois plus), et les progrès accomplis depuis dix ans n'ont été réalisés, sous Mac OS X, qu'à l'aide de bricolages, insuffisants pour prendre en compte les nouvelles possibilités de stockage des systèmes de bureau et des serveurs. Voilà pourquoi les termes de la figure 1 constituent un mensonge éhonté ! Lion se coule dans le moule des iBidules, et Mac OS X est mort ... Et cela restera vrai tant qu'Apple n'aura pas corrigé la barre avec un système de fichiers moderne, quelles que soient les autres nouveautés de Lion.